jeudi 25 janvier 2007

CONTINUITE TERRITORIALE

La continuité territoriale s’ouvre dans l’autre sens Métropole vers les DOM TOM POM.

AMMENDEMENT ADOPTE A L'ASSEMBLEE NATIONALE
Extrait du compte rendu analytique
Séance publique du 24 janvier 2007

Examen des projets de lois organique n°(3405) et simple (n°3405) portant diverses dispositions pour l’outre-mer

Art. 9
Mme Béatrice Vernaudon – L’article 9 est relatif à la continuité territoriale. Le Gouvernement nous propose une avancée importante, réclamée depuis l’instauration de ce principe par la loi de programme de 2003 : les collectivités d’outre-mer qui le souhaiteraient pourraient, à enveloppe constante, consentir l’aide au voyage aussi dans le sens de la métropole vers l’outre-mer, et non seulement dans le sens inverse. Les Polynésiens installés en métropole disent régulièrement à leurs parlementaires le ressentiment qu’ils éprouvent à ce sujet, puisqu’ils ne peuvent recevoir aucune aide pour se rendre dans leur collectivité d’origine, alors même qu’ils y ont encore des intérêts moraux et parfois matériels.

Le Gouvernement ouvre donc, et je l’en remercie, cette possibilité pour les personnes résidant en métropole, mais seulement pour des événements graves liés à la santé de leurs proches – qu’il appartiendra aux collectivités de définir. M. Lagarde, qui avait déposé une proposition de loi pour élargir les motifs d’attribution de l’aide, et moi, qui suis intervenue plusieurs fois en ce sens auprès du ministre, avons donc déposé un amendement pour aller un peu plus loin : il s’agirait de permettre aux collectivités d’attribuer cette aide sur des critères sociaux. Nous sommes restés très prudents dans la définition de ces critères, puisque l’aide ne pourrait être accordée qu’à des passagers qui n’ont pu se rendre dans leur collectivité d’origine au cours des dix années précédentes. En ce qui concerne les Polynésiens, il s’agit souvent de jeunes qui ont fait leur service militaire ou se sont engagés en métropole, puis qui y ont travaillé quelques années et ont fondé une famille. Il leur est impossible de financer le voyage qui permettrait à leurs enfants de faire la connaissance de leurs grands-parents et de leur lieu d’origine, d’autant que, pendant les vacances scolaires, les billets sont inabordables. J’insiste sur le fait que cette faculté laissée aux collectivités d’outre-mer s’exerce à enveloppe constante – c’est pour cela que notre amendement a passé la barre de l’article 40.

M. Alfred Marie-Jeanne – Mon intervention devait porter sur le vide juridique en matière de transports maritimes. Or, il semble que vous ayez pris l’engagement, Monsieur le ministre, d’y remédier. Mon intervention est-elle toujours d’actualité ? Je ferai remarquer, par ailleurs, que vous avez omis de dire quelle collectivité serait concernée.

M. Victorin Lurel - Je comprends bien le sens de l’amendement que proposeront nos collègues Lagarde et Vernaudon, mais par quel budget cette aide sera-t-elle financée ? Celui des régions, bien sûr ! La Guadeloupe reçoit 6 125 000 euros et l’on sait que le Gouvernement s’apprête à récupérer les crédits qui ne seraient pas consommés en fin d’année, contrairement à la tradition qui commençait à s’installer et alors que nos moyens sont dramatiquement insuffisants. Nos compatriotes d’outre-mer vivant dans l’hexagone, à la différence de nos amis corses, ne bénéficient pas d’aides pour aller rendre visite à leur famille. Mais il y a aussi une autre inégalité à combattre : dès lors que 40 000 Guadeloupéens viennent chaque année passer des vacances en métropole et y dépensent leur épargne, permettre à nos compatriotes vivant en métropole de rendre visite à leur famille, et donc de dépenser quelque peu en Guadeloupe, ne ferait que réintroduire un peu d’équilibre et d’intelligence dans le dispositif.

Nous ne recevons que 11 euros par personne et par an, contre 616 pour les Corses. Le Conseil constitutionnel a rendu à ce sujet une décision qui me paraît moins juridique que purement comptable. Le dispositif qui nous est proposé est bon dans son principe et doit certes être élargi, mais surtout financé autrement. Je plaide depuis des années pour des prix plafonds, même si on me dit que ce n’est pas possible. Je plaide depuis des années pour que la directive européenne de 1992 soit appliquée dans nos régions. Je plaide depuis des années pour que la cartellisation et l’abus de position dominantes dans les transports soient combattus : la DGCCRF a établi un dossier à ce sujet, mais le ministre des transports de l’époque, M. de Robien, a refusé de saisir le Conseil de la concurrence. Il faut donc revoir l’ensemble du dispositif.

Cet amendement relève d’une curieuse façon de légiférer, tout à fait inconnue en Allemagne, en Italie ou en Espagne. À Paris, on décide de mesures qui s’imputent sur le budget des collectivités sans la moindre concertation ! Si je suis d’accord sur le principe, le financement et les méthodes ne sont pas acceptables. Je ne pourrai donc pas voter cet amendement.

M. Jean-Christophe Lagarde - Avec cet amendement, Mme Vernaudon et moi continuons un combat que nous menons depuis des années. Je vois trop, dans mon département de la Seine-Saint-Denis qui compte beaucoup d’ultramarins, les drames familiaux causés par la non-application de la continuité territoriale, et exacerbés par la dérive des tarifs aériens. Cet amendement est donc essentiel : on doit pouvoir aider les gens, qu’ils vivent outre-mer et souhaitent se rendre en métropole ou qu’ils vivent dans l’hexagone et veuillent retrouver leur famille, à l’occasion d’événements dramatiques, ou pour d’autres raisons. Certes, nous aurions aimé procéder autrement, Monsieur Lurel, mais vous savez que nous ne pouvons rien faire qui ait des conséquences sur le budget de l’État.

Nous considérons que la collectivité nationale devrait faire cet effort, pour les centaines de milliers d’ultramarins qui vivent en métropole ou pour les millions qui souhaitent s’y rendre. La Corse reçoit une aide par personne cinquante fois plus élevée que n’importe quelle collectivité d’outre-mer. Un Antillais aime-t-il cinquante fois moins sa maman ? Un Guyanais n’a-t-il pas autant envie d’assister au mariage de son frère ? Un Polynésien qui n’a pas pu retourner dans sa famille depuis dix ans – notre proposition n’a rien d’excessif ! – et doit payer ses communications téléphoniques à des prix invraisemblables doit-il être moins aidé qu’un Corse que quelques kilomètres seulement séparent de son île ? On devrait pouvoir corriger une telle incohérence. J’espère donc que tous les parlementaires d’outre-mer auront à cœur de voter cet amendement, même si le financement n’est pas satisfaisant : le deuxième combat sera celui-là. Il faudra obtenir du Gouvernement un traitement égal entre les citoyens d’outre-mer et les Corses. C’est une exigence élémentaire, sauf à considérer que, dans la République française, il faut poser des bombes pour obtenir quelque chose.
Pour ma part, j’informerai les habitants de la Seine-Saint-Denis originaires d’outre-mer des positions prises ici par les uns et les autres, ainsi que des engagements du Gouvernement. Ils pourront ainsi voir qui les défend.

M. le Rapporteur – L’intention de Mme Vernaudon et de M. Lagarde est assurément louable. Mais leur proposition est impossible à mettre en œuvre « à enveloppe constante », précision dont je comprends bien qu’ils ne l’ont apportée que pour éviter le couperet de l’article 40. Avis défavorable.

M. le Ministre – Même avis pour les mêmes raisons.

L'amendement 182, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Christophe Lagarde - Enfin, le pouvoir législatif l’emporte !
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L'urgence ayant été déclaré, les deux projets de loi (organique et ordinaire) sur les dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'Outre-Mer, une commission mixte paritaire (CMP, 7 députés, 7 sénateurs) sera réunie ensuite, en vue de parvenir à une rédaction commune.